Quel genre de type coupe les oreilles de ses enfants?

Parcourir le monde permet bien des découvertes. Quoi de mieux que d’observer les us et coutumes d’autrui, pour mieux comprendre les siennes.

Extraits d’un carnet de voyage un brin particulier

Cela commence à l’autre bout du globe, dans un restaurant australien. Une famille termine son repas, les enfants dessinent calmement et les parents prennent un dernier café. Seulement, la serveuse en a renversé quelques gouttes. Monsieur devient alors comme fou. Elle n’a pas même le temps de s’excuser qu’il l’a déjà saisie à la gorge et plaquée contre la table. «T’as renversé mon café, grosse vache!». Il lui déverse le café brûlant sur le visage et lui envoie une violente gifle. Dans la salle, toutes et tous se figent, glacés par la scène, alors que Monsieur se réinstalle tranquillement à sa place.

Plus près de nous, en France voisine, lors d’une balade en forêt, une femme apparaît soudain. Elle semble traquée. Affolée, elle court en regardant régulièrement derrière elle. Soudain elle écarte une lampe pour assurer sa course. Plus loin, la voilà qui butte contre une chaise. Finalement c’est un mur qui arrête sa course. Le mur de sa cuisine. Elle se retourne terrorisée et fait face à son agresseur.

Finalement, à la lecture du journal lors d’un séjour à Marseille, je découvre le dessin d’un garçon de 9 ans, invité à illustrer sa famille. Il y a apporté un grand soin, l’image est très colorée. On y voit sa maman, au sol en train de pleurer. Au-dessus d’elle, le père a le visage rouge vif et une ceinture à la main. L’enfant et sa sœur regardent la scène en disant «Non papa». Terrorisés et impuissants, les enfants n’ont ni bras, ni oreilles.

Un voyage comme une remontée de bretelle

Vous l’aurez deviné, c’est tranquillement installée à mon bureau que j’ai réalisé cet étrange voyage. Pourquoi une telle destination? Parce qu’à l’occasion du 25 novembre – journée internationale contre la violence faîte aux femmes – les médias nous font un rappel des faits. Quelle stupéfaction d’apprendre que dans notre pays, plus de la moitié des meurtres sont commis dans le cadre familial? Comment supporter qu’une vingtaine de femmes meurent, ici, aujourd’hui, chaque année sous les coups de leur conjoint?

A quand une campagne choc qui, comme en Australie, rappelle à Monsieur que ce qui est intolérable au restaurant, ne sera jamais plus toléré à la maison. Ou un spot diffusé toute l’année illustrant cette frayeur, vécue à domicile. Ou encore des milliers d’affiches pour signifier, une fois pour toutes, qu’un homme qui maltraite sa femme, n’est pas un bon père.

En Suisse aussi, nos autorités se sont saisies de cette question. Un large dispositif d’aide aux victimes existe aujourd’hui malheureusement souvent contacté bien tard. Après des années de critiques, d’humiliations, de rabaissements, ce n’est pas le bras cassé qui sera long à guérir.

Le rêve d’une Suisse meilleure

Un tour du monde législatif nous conduit à rêver pour la Suisse d’un dispositif permettant de plus sérieusement dénoncer et condamner la violence, tant physique que psychologique. Et pas uniquement dans le cadre domestique. A quand une loi pour punir plutôt qu’inquiéter seulement, celui qui, par ses mots piétine sa partenaire, insulte sa collègue. A quand, comme dans nos pays voisins, un code qui reconnaît comme viol tous les types d’agressions avec pénétration?

L’Australie encore. Un spot dénonce notre attentisme. Un couple ne parvient plus à manger, tant les cris et les coups de leur voisin font trembler leur mur. Encouragé par Madame, Monsieur sonne alors à la porte de son voisin, une batte de baseball à la main. Lorsque le voisin ouvre, il la lui remet, lui conseillant de l’utiliser.

Vous l’aurez compris: La violence. Ne rien faire, c’est y contribuer.

Chronique rédigée pour Les Quotidiennes par Stéphanie Apothéloz, co-fondatrice de feminista!