Ne jetons pas un voile sur l’égalité

Le «voile», on n’a pas fini d’en parler. Cet été, en France le  gouvernement «de gauche» est à l’instigation de mesures  coercitives visant les femmes en burkini sur les plages. En  Suisse, l’initiative «Oui à l’interdiction de se dissimuler le  visage», lancée par la droite dure, a jusqu’en septembre  2017 pour récolter les signatures nécessaires. Déjà, la  polémique monte. Habituellement, c’est la droite qui se  préoccupe du sort des femmes, lorsque cela l’arrange. Or,  certaines voix issues du Parti socialiste suisse, notamment  celle de Pierre-Yves Maillard, le conseiller d’Etat vaudois,  s’élèvent déjà pour soutenir cette initiative, au nom des va leurs démocratiques et des libertés. Les libertés de qui? En  tout cas pas celle des femmes musulmanes! Simpliste, cette  initiative instrumentalise les femmes, dissimulant des intentions racistes et islamophobes sous le vernis des libertés.  Hypocrite, elle crée un faux débat. Si l’on souhaite réellement se préoccuper du sort des femmes c’est l’oppresseur,  le système libéral et patriarcal, qui doit être ciblé et non les  femmes, déjà assez stigmatisées dans la société. Laissons les  femmes choisir leur façon de se vêtir et centrons-nous sur  les vrais problèmes qu’elles rencontrent, encore et toujours, en Suisse!

Car si on veut «libérer les femmes», il y a de quoi faire au  niveau des oppressions et des inégalités! Le problème n’est  pas le voile, mais les oppressions sur lesquelles se fondent le système libéral et patriarcal. En effet, les violences morales et physiques structurelles sont toujours trop largement  effacées. La culture du viol, qui comprend l’environnement social et médiatique qui tolère ces violences, est totalement banalisée et acceptée. C’est précisément cette culture du viol qui rend tolérable que l’on dicte aux femmes la manière dont elles doivent – ou non – se vêtir. La précarité financière reste une réalité pour les femmes. Selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique, en 2012 les femmes constituent la majorité des personnes vivant sous le seuil de pauvreté. En Suisse, les femmes perdent chaque année 7,7 milliards de francs en raison des éternelles inégalités salariales. Sans parler des plafonds de verre, du temps partiel et autres violences économiques.

Les femmes sont ainsi péjorées dans la vie active ainsi qu’à la retraite. Les politiques libérales ne vont pas améliorer la situation. En réponse à la problématique de la retraite, le PV 2020, sous couvert d’égalité – utilisons-la quand ça nous chante! – souhaite élever l’âge de la retraite à 65 ans pour les femmes. Par contre, la rente de veuve passe à la trappe. Merci l’égalité! Les mesures d’austérité, qui seront dopées par la RIE III, ne vont pas non plus améliorer le sort des femmes. En affaiblissant les ressources à disposition de l’Etat, ce sont les prestations sociales qui vont passer à la trappe. On le voit déjà en ville de Fribourg, où l’accueil extrascolaire n’est pas en mesure d’accueillir une majorité d’enfants à la rentrée 2016. À nouveau, ce sont les femmes qui en paient la facture, puisque la politique familiale suisse repose essentiellement sur le temps partiel des femmes. Nous avons aujourd’hui la possibilité de réaliser un pas en avant. L’initiative AVS plus, qui veut élever les rentes AVS de 10%, serait fortement bénéfique et souhaitable pour les retraitées. Pour le reste, la mobilisation reste nécessaire. Battons-nous pour une réelle égalité sans distinction d’origine, de croyance, de sexe ou de genre, et pour que le corps des femmes n’appartienne à personne d’autre qu’à elles-mêmes.

Article initialement paru dans le journal Services publics du 16 septembre 2016 – C.Friedli.