L’égalité entre femmes et hommes serait un droit fondamental secondaire…

ou quand le Tribunal Fédéral se prononce sur le cas qui oppose l’Université de Lausanne à l’association d’étudiants Zofingue.

justice - féminisme

Constituée en 1819, la société d’étudiants suisse de Zofingue refuse statutairement aux femmes d’en faire partie : au départ, parce qu’il n’y en avait pas à l’Université, ensuite… parce qu’autant de privilèges ne pouvaient être partagés ? Parce que montrer ses fesses dans un bizutage devant des filles aurait fait mauvais genre ? Parce que… parce que tout simplement, Zofingue est une société défendant des valeurs ancestrales et pas uniquement sur des questions d’égalité entre hommes et femmes. Il suffit pour s’en convaincre de faire un tour à leur Théâtrale annuelle qui donne envie de pleurer – ah bon, parce que la dernière histoire de viol dans l’armée suisse ne vous fait pas rire ?

Pour en revenir au conflit entre l’Unil et Zofingue, c’est en 2008 que le rectorat de Université de Lausanne refuse à Zofingue de lui accorder le statut d’association universitaire. Exclure statutairement les femmes est considéré comme incompatible avec les valeurs d’égalité entre les sexes promues par l’Université. Le Tribunal cantonal annule cette décision en 2013. Après un recours de l’Université, le Tribunal fédéral vient de confirmer le verdict et oblige donc l’Université à reconnaître Zofingue comme association universitaire.

C’est à une courte majorité, 3 voix contre 2, que le Tribunal fédéral a tranché. Dans le cas qui oppose Zofingue à l’Unil, ce sont deux droits fondamentaux qui entrent en concurrence : celui de l’égalité entre femmes et hommes et celui de la liberté d’association. La majorité des juges a donc estimé que le droit fondamental à l’égalité entre femmes et hommes est considérée comme secondaire, tenez-vous le pour dit. La décision du Tribunal fédéral est scandaleuse et comme le relève la juge fédérale Florence Aubry Girardin, elle « donne une image bien peu progressiste du Tribunal fédéral » – c’est le moins qu’on puisse dire!

Lorsqu’on entend dans les arguments de certains juges ou dans la bouche de certains éminents Zofingiens qu’il existe bien des associations non mixtes – comme des chorales de femmes ou des soirées pyjamas (sic !) – où il n’y a que des femmes, on se dit que la mauvaise foi ou la bêtise intellectuelle n’a que peu de limites. Apparemment, déconstruire le fonctionnement de la société et lire les recherches féministes sur l’exclusion des femmes des sphères de pouvoir qui passe notamment par l’exclusion des réseaux de sociabilité masculine ne fait pas partie du programme de Zofingue qui préfère s’interroger sur les « fresques du Château Saint-Maire » ou sur « l’évolution de l’avenir sécuritaire du canton de Vaud ».

Réagissons à la décision du Tribunal fédéral de faire passer l’égalité entre femmes et hommes au second plan et écrivons toutes et tous au Tribunal! Et parce que cette décision est totalement incompréhensible… allons-y avec un brin d’ironie!

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Bonjour,

Suite à la communication de l’arrêt du 21 mars 2014 (2C_421/2013), je tiens à vous transmettre toutes mes félicitations pour la chance que vous donnez à Zofingue de continuer à assurer un réseautage certes sexiste mais si précieux, à l’heure où les hommes continuent à monopoliser la plupart des postes de pouvoir dans ce pays. Je suis très contente, que dis-je, soulagée: grâce à la décision du tribunal fédéral, les valeurs patriarcales si chères à notre pays continuent à pouvoir se maintenir. Parce que oui, comment pourrait-on penser que l’égalité entre femmes et hommes puisse passer avant la liberté d’association? Que nenni, la justice sexiste nous rappelle une fois de plus la place de cet article constitutionnel: secondaire.

Cordialement,

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