Non mais genre, quoi…

La pression des lobbies conservateurs et réactionnaires a récemment fait plier le gouvernement français, qui a discrètement décidé de supprimer le mot « genre » du vocabulaire gouvernemental. Le terme est devenu trop polémique. La droite et l’extrême-droite, désormais unies contre « LA-théorie-du-genre », et les militants de la « Manif pour tous » savourent  une victoire indéniable, alors qu’abandonner ce concept témoigne d’une grave défaite idéologique et politique.

 « On veut du sexe, pas du genre »

« La-théorie-du-genre », est l’objet de la chasse aux sorcières actuelle chez nos voisins français. Cette théorie qui fait passer le féminisme pour un fascisme, pour une dangereuse idéologie qui bouleverserait la société et « l’ordre naturel ». La brochure qui fait peur, L’idéologie du genre, éditée par la « Manif pour tous », voit en le genre un principe fourre-tout, occulte, et qui nie les réalités biologiques fondant les différences entre femme et hommes. On ne sait pas si on doit en rire ou en pleurer. En vrai il n’existe pas de « théorie du genre ». Cette terminologie est importée tout droit du Vatican. Lorsque l’on parle d’études genre, on parle d’un champ de recherche interdisciplinaire. Vu comme cela, le genre refuse de réduire la question de l’identité sexuelle à sa seule dimension biologique, et inclut les dimensions sociales et culturelles qui participent à la création et à la compréhension des différences entre femmes et hommes. Comme le relève le sociologue Eric Fassin, supprimer et remplacer l’égalité de genre par l’égalité hommes-femmes, signifie qu’on ne s’attaquera pas à l’ordre des choses. Or l’idée d’assurer l’égalité sans toucher aux normes est absurde. Les groupes réactionnaires l’ont compris et s’acharnent précisément à décrédibiliser le combat pour l’égalité. Force est de constater que leur influence est toujours forte dans un contexte où la lutte pour le maintien de droits acquis en matière d’égalité et de droits des femmes est un combat quotidien.

L’inquisition du genre à l’école

Aujourd’hui, la polémique touche au rejet de « la théorie du genre » à l’école, et du programme « l’ABCD de l’égalité ». Les réacs refusent que l’école puisse promouvoir une nouvelle forme de société. Alors que le sexisme et l’homophobie tuent, les cours d’éducation sexuelle et un matériel adéquat peuvent apprendre aux élèves à déconstruire les stéréotypes liés au sexe et à respecter les différences. Un progrès, surtout en termes d’égalité. Mais le gouvernement cède sous les pressions, se basant sur des polémiques, des peurs et de fausses rumeurs liées au genre, telle que l’apprentissage de la masturbation à l’école. On en reste bouche bée. Ainsi c’est aux livres pour enfants que la droite s’attaque, Jean-François Copé en tête, en les déclassant de leur statut d’activité pédagogique. L’inquisition concerne les écoles et bibliothèques, sommées de se séparer d’ouvrages « pro-gender », jugés offensants pour les enfants. C’est vrai que Cendrillon lavant les sols et rêvant de son prince c’est beaucoup mieux pour l’émancipation des petit-e-s qu’un bouquin où l’on peut se permettre le début d’une réflexion sur la place de chacun et chacune dans cette société ?

Catherine Friedli