Initiative « pour les familles » ? Contre les femmes et pour les hommes riches !

L’initiative de l’UDC dite « pour les familles », sur laquelle on vote le 24 novembre, fait sérieusement grincer des dents en voulant inscrire le modèle de la famille bourgeoise patriarcale dans la Constitution.

Les familles qui recourent à des structures externes de garde de leurs enfants peuvent, depuis 2011, bénéficier de déductions sur leur revenu imposable allant jusqu’à 10’100CHF par an, selon les cantons. Dans ce contexte, l’initiative de l’UDC veut que les parents qui gardent eux-mêmes leurs enfants bénéficient des mêmes déductions fiscales. Une mesure réactionnaire que désormais aucun autre parti ne soutient, mais qui pourrait séduire les votant.e.s sous couvert de faux progressisme.

Des arguments financiers qui ne convainquent personne

L’initiative de l’UDC prévoit des mesures qui ne fonctionnent pas, pour plusieurs raisons. La mesure de déductions fiscales de 2011 a été introduite pour corriger une inégalité fiscale, puisque les parents assumant eux-mêmes la garde de leurs enfants n’ont pas de frais supplémentaires liés à cette activité. Accorder une déduction fiscale à ces familles recréerait une inégalité. Sur l’argument financier, gauche et droite s’allient en ce qui concerne le coût exorbitant qu’entrainera l’initiative, qui pourra induire des coupes budgétaires dans les mesures sociales, et une baisse des montants déductibles des impôts pour les frais de garde externes. Cela s’est vu en Valais où le montant fiscalement déductible maximal est passé, après l’acceptation cantonale d’une telle mesure, de 4000 à 3000CHF par an. De plus, l’initiative « pour les familles » ne favorisera au final que les familles à hauts revenus, celles où un double salaire n’est pas nécessaire. En effet, l’impôt progressif sur le revenu fait que plus le revenu est élevé, plus les montants déductibles le sont aussi, ce qui revient à faire un cadeau fiscal aux riches, alors que ce sont les familles de la classe moyenne et à bas revenus qui ont besoin de soutien. Cela mène aussi à la difficile applicabilité de cette mesure aux personnes travaillant à temps partiel, discriminées du fait de ne pouvoir déduire le montant maximum et incitant la personne au revenu le plus bas à rester à la maison pour s’occuper des enfants. Et là on touche au cœur du problème. Car structurellement ce sont les femmes qui renoncent à travailler pour rester au foyer, qui sont confrontées au prétendu « choix » entre travail et famille. Ce sont elles qu’on maintient dans la dépendance financière. En effet, selon l’enquête suisse sur la population active de 2012, 88% des pères et 17% des mères ayant un ou des enfants de moins de 25 ans exercent une activité profes­sionnelle à plein temps, contre 61% des mères et 7.8% des pères qui exercent une activité professionnelle à temps partiel.

Femmes : au foyer ?

Au vu de ces chiffres on voit que l’application des mesures se fera au détriment des femmes. Car si on trouve toujours des exemples, comme le font les médias, où ce sont les femmes qui gagnent le revenu principal et les hommes qui sont au foyer, ce n’est pas représentatif de la majorité des réalités vécues. Tant qu’il y aura une discrimination salariale entre sexes ce seront les femmes qui, de manière générale, renonceront à une activité rémunérée. L’initiative ne fera que renforcer le conditionnement du « choix », déjà très relatif, entre travail et famille. Et c’est là le but véritable de l’initiative : renvoyer les femmes au foyer pour renforcer le modèle traditionnel de la famille bourgeoise, en discriminant au passage les autres modèles familiaux tels que les familles monoparentales, pour lesquelles le choix de travailler ou non ne se pose pas. De plus une déduction fiscale n’est pas une rémunération du travail domestique. La déduction fiscale est fondée sur le seul revenu de la famille, celui du mari, pour un travail effectué par les femmes. En plus de renforcer la dépendance des femmes envers leurs maris en ne leur accordant aucune autonomie financière, cela contribue à considérer le travail domestique comme étant gratuit, et effectué à titre « d’honneur » comme le dit l’UDC. Pourtant il s’agit d’un vrai travail qui devrait être reconnu et partagé. Cette initiative revient donc à payer les hommes riches pour le travail domestique qu’effectuent leurs femmes. Mais des solutions existent pour dépasser les questions de choix entre travail et famille et l’attribution des rôles traditionnels, ainsi que pour valoriser le travail domestique. Cela passe par une vraie égalité salariale entre les sexes, un partage du travail domestique et une réflexion générale sur la diminution du temps de travail salarié, des hommes en particulier, qui est possible et nécessaire.

Pour ces raisons, le 24 novembre : NON à l’initiative «  pour les familles » !